Finale du championnat de France de Pro A de Tennis de Table
Le 29 juin 2025, au Kindarena.
Ce dimanche 29 juin, le journal l’Equipe résumait ainsi la finale du championnat de France de Pro A de Tennis de Table : « Il n’y a pas eu de match ce dimanche après–midi entre l’Alliance Nîmes–Montpellier et la GV Hennebont ». Les chiffres semblent leur donner raison. Une victoire 3-0. 9 sets gagnés et aucun concédé.
Il y a bien eu match pourtant, et quel match!
Le match a même commencé avant les premières balles échangées. C’était une innovation historique pour la première fois de l’histoire de la Pro A, une finale se déroulait en une seule rencontre. Spectacle garanti, et le public était au rendez–vous: plus de 4000 personnes dans un Kindarena bouillant, sous une Normandie caniculaire.
Les supporters de Nîmes–Montpellier, présents en nombre, donnaient de la voix et du tambour. Les spectateurs normands, neutres mais bruyants, découvraient pour beaucoup à quel point le Ping de haut niveau est un spectacle total, pendant les matchs, mais aussi entre les points.
Hennebont ne partait pas favori mais croyait en sa chance. Faut–il rappeler que le Kindarena lui porte bonheur, et qu’il remporté le titre de champion face au SPO Rouen ici même, il y a deux ans, en finale retour du championnat de Pro A.
Il y a eu match et une très belle ambiance, à commencer par la présentation des équipes. Trois joueurs côté Hennebont, Iulian Chirita, Vladimir Sidorenko, Lev Katsman. Sept côté montpellierains, tous ceux qui ont joué au moins un match cette année, jusqu’à l’annonce d’Esteban Dorr, tout récent médaillé en double aux championnats du monde de tennis de table, d’Antoine Hachard, puis de… Tonnerre d’applaudissements… Alexis Lebrun… Et enfin de… Faites encore plus de bruit… Félix Lebrun.
Oui il y a eu match, car à ce moment précis, les 4000 spectateurs ressentaient la même excitation: voir, à quelques mètres d’eux, deux des sportifs les plus fascinants de leur génération. Surdoués, populaires, ayant déjà révolutionné l’image du Ping en France.
C’est parti ! Ça ne traine pas au tennis de table.
Féfé Lebrun joue le premier match contre le jeune et talentueux roumain, Iulian Chirita. Félix déroule dans le premier set. 11-4. Le public pense assister à une démonstration, mais tout va toujours très vite au Ping, et dès la deuxième manche, Iulian prend des initiatives, Félix rate quelques coups droits, semble se plaindre de la chaleur, Iulian s’envole, le set pour lui est presque gagné. Le public hésite entre déception sur les coups manqués de Félix, et l’envie que le match dure… Tous ceux qui ont joué au Ping savent que le plus dur est de conclure. Iulian se crispe à 9… Félix grappille, serre le jeu, revient point après point. Iulian n’a pourtant pas dit son dernier mot. Les balles de set se succèdent, pour l’un, pour l’autre. Iulian résiste même sur les fameux services de Félix, avant que celui–ci ne lui sorte sa << spéciale », un revers en retour dans la diagonale opposée. Magnifique et imparable. Un dernier point, 15-13, et le deuxième set est dans la poche. Le troisième set sera moins disputé, la cause est entendue, Félix s’impose au métier, usant de balles courtes, revers et coups droits, trop coupées pour que Iulian puisse les attaquer, et de frappes de revers chirurgicales dès que la balle adverse monte.
1-0
Alexis affronte ensuite Vladimir Sidorenko, un jeune russe détenteur d’une incroyable statistique: il a déjà battu les frères Lebrun, Félix (en 2025) et Alexis (en 2023), lors du championnat de Pro A. C’est l’un des meilleurs performeurs du curcuit. Rapide, agressif, gaucher, le matche promet. D’ailleurs, Vladimir le démarre sans complexe. En contraste au match précédent, c’est un concours de rapidité, de tops et de contre–tops. Vladimir hélas, a beau pivoter rapidement, frapper fort sur le revers de son adversaire, le sentiment qui domine est qu’Alexis est plus rapide, plus précis, aussi bien du coup droit que du revers. Plus Vladimir accélère et plus la balle revient vite, souvent hors de sa portée. Alexis boucle la première manche 11-8 sans jamais avoir été réellement mis en danger. Même impression au deuxième, 11-4, l’écart de niveau semble insurmontable… Mais tous les amateurs de Ping l’ont vécu, le cours d’un match peut changer très vite. Alexis temporise un peu, Vladimir joue son va–tout, 5-1 pour lui, le match serait–il en train de tourner? Non! Alexis gère, sans paniquer, grâce à une série de coups gagnants et passe inexorablement devant. Le public assiste à quelques très beaux derniers échanges, presque une démonstration, mais Alexis s’impose 11-8. C’est le tarif!
2-0
Pause fraicheur, bien méritée, avant que la rencontre reprenne. Le dernier match est plus incertain. Si Hennebont l’emporte, la pression sera à nouveau sur Montpellier… Tout peut arriver, ce genre de remontada est fréquente au tennis de table, tant les matchs sont serrés. Antoine Hachard affronte Lev Katsman, un jeune russe talentueux, auteur d’une solide saison. Le premier set est tendu. Antoine Hachard rate quelques remises faciles, Lev en profite, les deux joueurs ne se lâchent pas. Le match est spectaculaire, entre les attaques rapides de Lev et les revers frappés d’Antoine. Ça se joue à rien, ou presque, mais Antoine l’emporte 11-9… Le scénario aurait–il pu être différent si Lev avait gagné le premier set?
On ne le saura jamais. Antoine Hachard déroule ensuite, il ne commet plus d’erreurs en retour et il a pris l’ascendant en revers. 11-5 pour Antoine. Le scénario d’une remontada s’éloigne, d’autant plus que le troisième set ressemble une formalité. 10-4 pour Antoine. 6 balles de matchs. Lev en sauve 3.
Suspense. Temps mort. Avant que le onzième point soit emporté.
Les Montpelliérains peuvent exulter !
Leur joie fait plaisir à voir, les frères Lebrun ne sont pas les moins démonstratifs. On ne peut qu’admirer cette joie entre << potes », eux qui ont tout gagné à l’international. Cette fraicheur sincère d’apporter à leur club de cœur un premier titre, entre deux compétitions en Slovénie et aux Etats–Unis.
Il y a eu match et il est terminé.
Le public descend des gradins, c’est la ruée vers les selfies. Le tour de l’Arena sera long pour les frères Lebrun.
La salle se vide, le public repart ravi, malgré l’absence de réel suspense.
Ce sera pour l’année prochaine, avec, on l’espère, le SPO Rouen en finale! L’équipe rouennaise sera très forte, très jeune, très difficile à battre l’année prochaine. Le meilleur public de Ping de France va se régaler.
Et tous les autres publics de France aussi. Les résultats de tennis–de–table français ont été exceptionnels ces dernières années, entre médailles olympiques, mondiales, et titres européens, en individuel ou en double.
Mais tout autant, la progression du nombre de licenciés en tennis de table a été spectaculaire. Comment ne pas se réjouir de ce lien entre la réussite du plus haut niveau, et le développement du tennis de table pour tous. Le Ping est un sport inclusif, intergénérationnel, mixte, accueillant tous les milieux sociaux, joué aussi bien en ville que dans les communes rurales. Un sport pour tous. Un sport de lien. Un sport de copains.
Installer le tennis de table à Rouen, de manière définitive et permanente, dans la salle Amélie Mauresmo du Kindarena, serait une juste récompense et la meilleure des façons d’allier le haut niveau à une pratique amateur pour tous.
Et que le Kindarena devienne définitivement la cathédrale du Ping en France.
Michel Bussi